lunes, 12 de diciembre de 2016

Joumana Haddad se bat à travers ses écrits pour que la femme arabe se libère via son corps et sa sexualité


Joumana Haddad se bat à travers ses écrits pour que la femme arabe se libère via son corps et sa sexualité.

Que vous inspire cette polémique en France autour du port du burkini, qui a conduit à son interdiction via des arrêtés sur une trentaine de plages de la Côte d’Azur et du nord de la France, et donc dans l’espace public ?
Cette interdiction me rend perplexe pour plusieurs raisons. Tout d’abord parce qu’elle punit la femme, c’est-à-dire la victime, au lieu de punir l’autorité patriarcale qui oblige cette femme directement – ou indirectement – à porter la burqa ou le burkini. Ensuite parce qu’elle n’apporte aucune solution au problème : aucun homme ne dira à sa femme «ah, ma chérie, ne sois pas triste qu’on t’ait interdit le burkini, tu peux désormais porter un maillot de bain»… Cette interdiction me dérange aussi car c’est une réaction au premier degré qui ne fait que renforcer l’argument de l’islamophobie, lancé à tout va, dans la bouche des extrêmes.

En quoi cette interdiction est-elle contre-productive ?
Dans le sens où, au niveau de l’opinion publique, elle pourrait générer de la sympathie envers ces femmes qui portent la burqa ou le burkini, considérant – à juste titre – qu’elles sont maltraitées. 

En gros, vous avez peur que tout ceci conduise à la banalisation de ces tenues dans l’espace public en France…
Oui ! Je vais vous raconter une anecdote. Un jour, j’étais à la mer à Beyrouth, il faisait 40°C. J’ai vu arriver un homme en maillot de bain avec ses deux garçons et, derrière eux, sa femme, voilée de la tête aux pieds. Sous un soleil de plomb, elle passait son temps à les servir pendant qu’eux se baignaient, s’amusaient. J’ai ressenti à ce moment-là une immense colère. Comment peut-on qualifier cette scène autrement que par l’injustice ?

Ne pensez-vous pas que cette femme pourrait l’avoir choisi ?
Non, absolument pas. Cette femme ne peut pas avoir choisi de porter ce genre de vêtement. Dans ce contexte, je doute fort du mot «choix» : lorsqu’on grandit dans une communauté où le port de la burqa est soit obligatoire, soit le résultat d’un lavage de cerveau religieux ou de son entourage, la première des choses est d’en douter. Faire un choix, ça veut dire avoir une alternative viable, qui implique de n’être ni menacée ni ostracisée.

Vous qui êtes attachée à la libération de la femme par celle de son corps, quel serait selon vous le meilleur moyen de lutter contre cette volonté de porter une burqa ou un burkini dans l’espace public ?
La liberté ne peut être imposée. Elle doit être acquise par la femme elle-même. Donc, au lieu de chercher en vain à l’imposer à travers des interdictions, donnons à ces femmes les moyens d’émanciper leur corps et leur esprit. Sinon, ces femmes ne feront très probablement que développer de la rancœur et s’attacher de plus en plus à cet outil d’oppression, en l’érigeant en symbole de révolution. Car oui, désormais, à cause de cette interdiction, le burkini devient un symbole de révolution…


http://www.liberation.fr/france/2016/08/25/joumana-haddad-a-cause-de-son-interdiction-le-burkini-devient-un-symbole-de-revolution_1474596

http://www.jhwriter.com/?p=4025

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